Hier soir, nous avions décidé de prendre le temps pour partir. Nous sommes donc d'attaque un peu plus tard que d'habitude, autour de 8h. Au planning aujourd'hui : réaliser le premier prélèvement dans la baie de Saint-Tropez. Cela fait seulement 24h que le confinement a été partiellement levé, nous sommes encore dans les temps pour essayer d'étudier ses effets. Hier au port, on a pu voir une reprise de l'activité des chantiers navals. Sur l'eau en revanche, nous étions seuls, hormis quelques bateaux militaires ou grands yachts au large. Bref, nous ne devons pas tarder.
Hier après-midi, nous avons analysé les premiers prélèvements réalisés à titre de test. Nous avons convenu que nous mettrions systématiquement de l'H202 dans nos échantillons pour dégrader au maximum les zoo/phytoplanctons que nous prélevons. Cela permet de dégrader la matière organique en plus d'aider à la conservation. Mieux encore, les polymères plastiques y résistent. Seulement, cela n'enlève pas totalement l'aspect gélatineux donné par les organismes marins. Traiter un échantillon de 100 ml restera une épreuve de patience. Nous y croyons cependant ! Nous avons également diminué notre temps de trainée : 7 min.
Avant de partir, la capitainerie des Marines de Cogolin nous fait une faveur et offre à l'association la nuitée au port. Nous espérons revenir dans un mois et demi afin de tenir un stand. Le directeur du port nous envoie même les données mensuelles des SeaBins qui nettoient automatiquement le plan d'eau. Elles pourraient s'avérer être utiles pour la compréhension de l'évolution de la pollution pendant cette période de confinement.
- Un premier prélèvement houleux-
Une fois ces formalités réglées, nous sortons de la baie, droit vers notre premier point d’échantillonnage. Nous lançons le génois pour profiter d'une petite brise. En une heure et demie nous arrivons sur le point prévu, à 3 miles des côtes. La houle (SE) et le vent (E) sont modérés.
Erick est à la barre. Le reste est à son poste. Cléa s'occupe d'annoter les coordonnées GPS et de détailler l'opération. Nous envoyons le filet manta depuis la poupe. Dès qu'il se met en mouvement par la traction du voilier, nous crions un "TOP !" pour démarrer le relevé des positions. Le Dune effectue alors, face à la houle, un trajet d'environ 400 m.
Nous récupérons toutes les particules plus grandes que 125 micromètres dans 200 m^3 d'eau de surface. Une fois le filet relevé, nous le rinçons abondamment à l'eau de mer. Après passage sur tamis pour enlever un maximum d'eau, nous conservons cette petite centaine de ml dans un flacon de verre. Nous incorporerons l'H202 dans des conditions moins houleuses, un accident avec ce produit corrosif est vite arrivé.
Les 2 premiers prélèvements sont réalisés. Mais en une heure, la houle s'est intensifiée et le vent s'est levé. Les creux empêchent la bonne maniabilité du filet. Cosme décide de ne pas réaliser le dernier prélèvement.
Bien lui en a pris, car nous mettons un certain temps pour ranger le matériel et relancer le génois. Plusieurs fois des coups de houle nous surprennent. On s'empresse de caler le matériel scientifique dans la cabine Le voilier reprend de l'allure, poussé par un vent grand largue (SO).
- Apprendre à barrer au dépend du gréement -
Je prends la barre. Ce qui se passe ensuite illustre bien l'importance de se concentrer lorsque l'on pilote le navire. Les 10 premières minutes, je m'habitue à la situation. Une houle assez saccadé nous pousse par l'arrière tribord. Le vent, lui, s'engouffre dans le génois à environs 140° grand largue. La houle a tendance à abattre le voilier. Il faut sans cesse corriger notre direction. Après un temps d'acclimatation, je commence à parler avec le reste de l'équipe dans le cockpit. Plus très attentif, j'ai alors l'impression que le vent a changé de direction pour se mettre vent arrière. Pour corriger le tir, je donne un coup de barre à bâbord. Raté, en faisant ce geste j'abats. Nous sommes alors réellement vent arrière. Le génois claque, et chaque creux le fait osciller de bâbord à tribord. Il finit par se coincer dans les haubans, emmagasinant toute l'énergie du vent à des points non prévus pour ça.
La scène a duré 30 secondes. Néanmoins Erick sort très rapidement de la cabine pour corriger ma boulette. Le génois s'est enroulé il faut alors aller à la proue pour le décoincer. On choque les écoutes, on le redéroule bien. La situation est sous contrôle. Erick reprend la barre.
Moralité : rester concentrer quand on barre est primordial, surtout débutant comme je suis.
En une heure, la houle persiste mais le vent tombe complètement. Nous mettons alors le moteur afin de poursuivre. Un fort coup de vent d'est est prévu pour mercredi 13, et le port Vauban, à Antibes, a pu nous trouver à la dernière minute une place pour notre encombrant voilier. Nous passons le Cap Roux, dont les roches en bout du massif de l'Esterel sont rougeoyantes et rappellent Monument Valley, en un peu plus verdoyant. Le golfe de la Napoule est alors passé, suivi du golfe de Juan.
Nous arrivons alors dans le port d'Antibes, un des plus grands ports de plaisance Européen. Des Yachts énormes, ayant parfois jusqu'à 5 étages forment des barrières impressionnantes.
Dès que nous débarquons, nous rinçons à l'eau douce tout le matériel, et rangeons bien le gréement. Pour demain, les prévisions ont encore forci. On ne pourra définitivement pas réaliser notre échantillonnage à l'embouchure du Var. Dommage. En plus nous constatons un regain relatif des sorties de plaisanciers en mer aujourd'hui. A 20h, tous les yachts activent leurs corne de brume pour manifester leur soutient au personnel médical. C'est très impressionnant.
Nous attendons donc avec impatience le passage de ce coup de vent !
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